C’est quoi une plateforme de marque ? Episode 1 : la définition
Tout le monde en parle, mais sait-on vraiment de quoi on parle ?
La plateforme de marque, c’est un mot que l’on entend partout dans les marques, et surtout dans les industries créatives. C’est l’outil dont on a besoin pour prendre des décisions plus avisées, la référence à laquelle se reporter quand on doute, ou le chantier à lancer pour enclencher un changement. On la devine aussi, en filigrane, dans les propos de Luca de Meo lors de son arrivée à la tête du groupe Kering, quand il explique que « la marque ne doit pas dépendre de la seule vision du directeur artistique ». Il a évidemment raison. Une marque, c’est bien plus que cela.
Le mot est sur toutes les lèvres, mais sait-on vraiment de quoi on parle ?
C’est tout le paradoxe : la plateforme de marque est omniprésente dans les discussions, mais souvent floue dans les esprits. Et plus personne n’ose poser la question simple : au fond, c’est quoi, une plateforme de marque ?
C’est ce que je propose d’explorer dans cette série — en plusieurs épisodes, parce qu’il y a beaucoup à dire. Pour clarifier l’outil, mais aussi pour ouvrir quelques réflexions autour.
La plateforme de marque, en quelques mots.
La plateforme c’est un document qui définit la marque, fonde son ADN, et la rend différente et pertinente - par rapport à sa cible et au marché. Elle est ce qui permettra qu’on la préfère à une autre. Elle sert à aligner toutes les actions, les coordonner pour aller dans le même sens, guidées par la même vision, en appliquant les mêmes codes, pour atteindre les mêmes objectifs. C’est la garante de la cohérence.
Elle ne se montre jamais, mais elle doit se voir dans tout ce qui est fait.
Pour exemplifier, la plateforme de marque c’est ce qui fait que quand vous voyez des campagnes Miu Miu sur plusieurs années, scrollez sur des contenus réseaux sociaux divers, observez un défilé, visitez un pop-up recréé sur l’étal d’un bouquiniste, ou découvrez le parfum Miutine développé sous licence avec L’Oréal, vous avez le sentiment de “capter” la même chose. Ce n’est pas explicité, et c’est pourtant omniprésent - et aussi pour cela que vous comprenez moins le choix de Kylie Jenner mais c’est une autre histoire.
C’est une boussole, qui aide à choisir si « c’est la marque » / « ça ne l’est pas », un exercice qui mêle la stratégie au récit.
L’exercice de la plateforme de marque.
Imaginez un Lego.
Au départ, ce sont des pièces disparates : certaines que l’on n’a pas choisies (le marché, l’histoire, le contexte), des pièces que l’on souhaite garder (qui font la spécificité), d’autres encore à abandonner (car elles ne sont plus pertinentes, plus distinctives), et enfin, des nouvelles que l’on voudrait ajouter parce qu’elles inscrivent dans l’avenir.
Construire une plateforme de marque, c’est assembler ce tout de manière fluide. Tout doit bien s’emboiter, tenir debout, être cohérent, se répondre. Et fonctionner en bloc : impossible de modifier une pièce sans faire bouger le reste. Souvent d’ailleurs, quand on travaille sur l’exercice, il y a une sorte de ‘Eurêka moment’, celui où tout s’emboite parfaitement. Et c’est là qu’on sait qu’on a trouvé la bonne combinaison.
Ce qui fait qu’à mon sens, il n’existe souvent qu’un seul chemin possible pour une plateforme de marque. Parfois plusieurs scénarios sont proposés, mais il me semble qu’il s’agisse plutôt alors de concepts de communication. En effet, trouver une combinaison qui fasse résonner le passé, le présent et le futur d’une marque, tout en s’inscrivant dans l’époque et le marché, et avec une proposition pertinente pour la cible, est un exercice d’équilibriste. Imaginer plusieurs combinaisons qui pourraient sonner juste me semble, honnêtement, presque impossible.
Un moment charnière
Souvent, la plateforme émerge dans un moment clé de la vie de l’entreprise :
Avant le lancement de la marque, pour s’assurer d’un cap clair et éviter la dispersion ;
Lors d’une levée de fonds ou d’un changement de direction, pour prendre du recul sur ce qui a été fait et définir une vision à venir ;
Suite à une croissance forte, quand la culture - souvent incarnée par la fondatrice ou le fondateur, qui pouvait l’expliquer à chaque nouvel entrant - a besoin d’être diffusée à une équipe qui grandit ;
Lors d’une diversification, quand la marque s’étend vers d’autres activités et doit s’interroger sur ce qu’elle représente au-delà de son métier d’origine - pour se transposer dans une autre industrie ;
Ou tout simplement, quand un manque de sens ou de cohérence dans les actions se fait sentir.
Elle intervient souvent comme point de départ d’un chantier plus vaste, qui aura des conséquences profondes sur la marque : nouvelle identité et image, changement dans la stratégie offre, nouveau récit de communication, etc.
Quant à sa durée de vie, elle varie en fonction de plusieurs paramètres : les cycles de l’entreprise et les mouvements du marché. Mais elle est conçue initialement pour durer plusieurs années.
Un outil, porté par une vision.
En guise de préambule, il me semble nécessaire de rappeler un élément fondamental à la compréhension : la plateforme de marque est un outil marketing, mais aussi le reflet d’une vision. Elle porte la manière de répondre à la problématique, imaginée par celui qui la conçoit. Ce ne sont pas uniquement des cases à remplir.
Certes, il existe des conventions, des schémas récurrents, des mots clés. Certains stratégistes diront qu’il y a une méthode “canonique”.
Je ne suis pas de cet avis.
Cela fait plus de quinze ans que je travaille sur le sujet, je l’enseigne à l’Institut Français de la Mode, et mon équipe et moi en avons systématiquement une en cours d’écriture au bureau, tout au long de l’année - 4 en ce moment pour être précis. C’est une de nos spécialités. Et pourtant, je ne saurai encore en donner une définition totalement immuable. C’est un objet plastique, qui peut muter, se transformer. Les codes et modes changent, les priorités et les noms bougent - nous en reparlerons. On l’aborde parfois par des chemins différents. Et tout l’intérêt de l’exercice repose ici, dans sa capacité à être challengé et adapté pour s’adapter à la spécificité de chaque cas.
De fait, tous les stratégistes seront-ils d’accord avec ce que j’écris ? Non. Est-ce que toutes les notions qui doivent y figurer y seront ? Non plus. J’ai choisi de limiter à celles qui me semblaient les plus essentielles. Privilégier l’efficacité plutôt que complexifier les choses, ce qui la rend parfois inutilisable et condamnée à l’étagère. C’est un outil, pas une démonstration. Elle ne doit être jugée qu’à son utilité.
La structure
Au Bureau, nous construisons la plateforme de marque autour de 5 grands chapitres.
Le contexte.
Le coeur de la plateforme
Le positionnement stratégique
La cible
La culture de la marque
C’est ce que je vous propose que l’on explore dans les prochains épisodes.



Pépite cette édition, le terme plateforme de marque peut être bien trop obscure. Et intéressant d'avoir ton point de vue sur la question, car en effet chacun peut avoir sa propre approche.
Hâte d'avoir la suite !